Quelles sont les conséquences d'une expulsion et comment l'éviter ?
Entrer en Suisse, c’est bien. Y rester sur le long terme, c’est encore mieux. En tant que sans papiers, votre situation irrégulière peut être soumise à un renvoi dans votre pays d’origine voire à une expulsion. Taux d’expulsion en Suisse, protocoles, détentions : quelles sont les conséquences d’une expulsion et comment l’éviter ? On vous explique les implications et les recours possibles en cas de notification d’expulsion.
Il y a-t-il beaucoup d'expulsion en Suisse ?
La situation en 2024
La Suisse a recensé une augmentation de 18,5 % des expulsions de sans-papiers entre 2023 et 2024. C’est donc au total 7205 personnes en situation irrégulière qui se sont vues escortées, de gré ou de force, dans leur pays d’origine ou un État tiers en 2024. Il s’agissait notamment de demandeurs d’asile qui ont vu leur réclamation refusée, et qui n’ont pas pu bénéficier d’une admission provisoire en Suisse (ou dans un autre pays européen) dans le cadre de l’accord de Dublin.
Les populations concernées
La majorité des personnes ayant quitté la Suisse de manière autonome (soit 65,8 %) ou sous contrôle des autorités (soit 34,2 %) en 2024 était d’origine turque, algérienne, géorgienne et marocaine. Les Turcs renvoyés de force par les autorités constituaient une hausse de près de 96 % par rapport à l’année 2023. D’autre part, on notait également le retour au pays de 6059 ukrainiens qui bénéficiaient du statut de protection S contre 10 978 en 2023.
Expulsion pour criminalité
La proposition de loi 23.443 déposée par le conseiller Jean-Luc Addor demandait à ce que les infractions graves (crimes violents) commises par les sans-papiers ne soient pas prises en compte dans les décisions d’expulsion ou non des individus. Cette décision fait polémique, en raison du caractère “laxiste” des tribunaux à faire d’une exception une règle, et ce, même pour des délits graves.
Comment se passe l'expulsion d'un sans papier ?
Procédure d’expulsion écrite
Lorsqu’il y a procédure d’expulsion, notez que vous recevez toujours une demande écrite par courrier postal. Dans ce cas :
-
on vous demande de quitter la Suisse car votre demande d’asile est rejetée, alors vous avez la possibilité de demander un réexamen de ce refus. Cependant, ce protocole de réexamen impose de remplir des critères stricts ;
-
vous acceptez cette décision et souhaitez quitter la Suisse volontairement, alors vous pouvez obtenir de l’aide grâce à un programme de rapatriement pour votre retour au pays d’origine.
Notez que si vous continuez de séjourner sur le territoire suisse après le délai imparti, vous risquez une plainte pour séjour illégal, des mesures de contrainte et une interdiction d’entrer à nouveau en Suisse.
Les principes de détention
Lorsque les autorités prévoient une expulsion et que l’individu refuse de s’y soumettre, ils font appel à une procédure de détention. Il existe plusieurs types de détention selon les contextes.
Type de détention | Contexte | Durée de détention |
---|---|---|
Détention en phase préparatoire |
|
6 mois maximum |
Détention en vue du renvoi ou de l’expulsion |
3 niveaux d'expulsion :
|
1 mois à 2 mois, 6 mois maximum |
Détention dans la procédure DUBLIN |
Si vous êtes entré en Suisse par un état membre des accords de Dublin* et que la Suisse ne peut traiter cette demande, vous êtes sous la procédure de Dublin. La détention peut être imposée s’il y a un risque important de fuite et que d’autres mesures de détention ne peuvent pas être prises |
Au cas par cas, 12 mois au maximum si prolongation |
Détention pour insoumission |
Lorsqu’une décision exécutoire de renvoi ou d’expulsion ne peut pas être exécutée (opposition à une résistance) |
1 mois avec prolongation de 2 mois en 2 mois |
*Les accords de Dublin (2020) visent à accélérer la reconduction des personnes en situation irrégulière et à mieux répartir la gestion des demandes d’asile entre États membres soit tous les États membres de l'UE, ainsi que les quatre États associés (Suisse, Norvège, Islande et Principauté de Liechtenstein).
Quels sont les impacts des expulsions sur les communautés concernées ?
Les expulsions de sans-papiers en Suisse ne se limitent pas à des chiffres ou à des procédures administratives. Elles affectent profondément les individus concernés, leurs proches et les communautés locales. Ces conséquences se manifestent à plusieurs niveaux.
Désintégration des liens familiaux et sociaux
Les expulsions peuvent briser des familles établies en Suisse depuis plusieurs années. Des enfants scolarisés se retrouvent séparés de leurs parents, des conjoints sont éloignés l'un de l'autre, et des réseaux de soutien communautaire se désagrègent. Ces ruptures engendrent des traumatismes psychologiques, en particulier chez les plus jeunes, et compromettent l'intégration des familles dans la société suisse.
Fragilisation des communautés locales
Les communautés locales, notamment dans les quartiers où résident de nombreux sans-papiers, subissent également les conséquences des expulsions. La disparition soudaine de voisins, d'amis ou de collègues crée un climat d'insécurité et de méfiance. Les associations locales, qui soutiennent ces populations, voient leur travail entravé et leur moral affecté par ces départs forcés.
Perte de main-d'œuvre et impact économique
De nombreux sans-papiers occupent des emplois dans des secteurs essentiels tels que la restauration, le bâtiment ou les services à la personne. Leur expulsion entraîne une perte de main-d'œuvre qualifiée et expérimentée, difficile à remplacer. Les employeurs se retrouvent confrontés à des pénuries de personnel, ce qui peut ralentir leur activité et impacter l'économie locale.
Renforcement de la précarité et de la marginalisation
Les expulsions renforcent la précarité des personnes concernées, qui, de retour dans leur pays d'origine, se retrouvent souvent sans ressources ni perspectives d'avenir. Cette situation peut les pousser à tenter de revenir en Suisse ou à migrer vers d'autres pays, au risque de tomber dans des réseaux de traite ou d'exploitation. Par ailleurs, la peur de l'expulsion dissuade certains sans-papiers de recourir aux services de santé ou d'éducation, aggravant leur marginalisation.
Les différences régionales en matière d'expulsion en Suisse
En Suisse, la politique d'expulsion des sans-papiers varie selon les cantons, reflétant les spécificités locales et les priorités des autorités cantonales. Ces différences influencent la manière dont les expulsions sont mises en œuvre et les possibilités de régularisation.
Genève : une approche humanitaire avec l'Opération Papyrus
Le canton de Genève se distingue par une politique plus inclusive envers les sans-papiers. Entre 2017 et 2018, l'Opération Papyrus a permis de régulariser la situation de 2 390 personnes en situation illégale, principalement des familles avec enfants. Cette initiative visait à intégrer les sans-papiers répondant à certains critères, tels qu'une durée de séjour minimale, une intégration réussie et une indépendance financière. L'opération a également permis de mieux organiser certains secteurs de travail et de récupérer près de 5,7 millions de francs suisses pour le canton.
Vaud et Lucerne : des politiques d'expulsion plus strictes
D'autres cantons, comme Vaud et Lucerne, adoptent une approche plus rigoureuse en matière d'expulsion. En 2009, le canton de Vaud a expulsé 103 personnes, tandis que Lucerne en a expulsé 58. Ces chiffres reflètent une volonté plus affirmée de faire respecter les lois sur l'immigration et de procéder aux expulsions lorsque les conditions légales sont remplies.
Disparités cantonales : une réalité du fédéralisme suisse
Le fédéralisme suisse permet aux cantons de disposer d'une certaine autonomie dans l'application des lois fédérales, y compris en matière d'expulsion. Cette autonomie se traduit par des disparités dans les pratiques, les ressources allouées et les priorités politiques. Ainsi, les sans-papiers peuvent être confrontés à des réalités très différentes selon le canton dans lequel ils résident.
Quels sont les recours juridiques et les structures d'accompagnement disponibles ?
Face à une décision d'expulsion, mieux vaut connaître les options juridiques et les organisations pouvant offrir un soutien. Plusieurs structures en Suisse proposent des services d'accompagnement, de conseil et de défense des droits pour les personnes sans papiers.
Recours juridiques disponibles
Droit de recours
Toute personne faisant l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion a le droit de recourir contre cette décision. Les délais pour déposer un recours sont généralement courts, souvent de 5 à 30 jours selon le type de procédure. Il est donc essentiel d'agir rapidement et de consulter un professionnel du droit pour évaluer les chances de succès du recours.
Assistance juridique gratuite
Certaines organisations offrent une assistance juridique gratuite ou à coût réduit pour les personnes sans papiers. Ces services peuvent inclure l'analyse de la situation, la rédaction de recours et la représentation devant les autorités compétentes.
Organisations d'accompagnement
Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR)
L'OSAR est une organisation faîtière qui coordonne les efforts de plusieurs œuvres d'entraide actives dans le domaine de l'asile et des réfugiés. Elle offre des consultations juridiques, met en contact les personnes concernées avec des centres de conseil et publie des informations sur les droits des réfugiés.
Entraide protestante suisse (EPER)
L'EPER propose des consultations juridiques gratuites dans diverses villes de Suisse. Elle accompagne les personnes sans papiers dans leurs démarches administratives et juridiques, notamment dans le cadre des procédures d'asile.
Plateforme sans-papiers Suisse
Cette association regroupe des centres de contact de différents cantons, des ONG locales et nationales, des églises, des œuvres d'entraide et des syndicats. Elle défend les droits et les préoccupations des personnes sans papiers, facilite l'accès à un statut légal stable et soutient les efforts politiques visant à améliorer leur situation.
Syndicat Unia
Unia fournit des informations et un soutien aux personnes sans papiers, notamment en ce qui concerne leurs droits au travail. Le syndicat conseille également sur la conservation des preuves en cas de litige avec un employeur.
Centres de consultation cantonaux
Dans plusieurs cantons, des centres de consultation offrent un accompagnement personnalisé aux personnes sans papiers. Ces centres sont indépendants et soumis au devoir de confidentialité. Ils peuvent aider dans divers domaines tels que la santé, le travail, la scolarisation ou le logement.
Il est recommandé de contacter ces organisations dès que possible pour bénéficier d'un accompagnement adapté à votre situation.
Comment les sans-papiers peuvent demander leur régularisation en Suisse ?
Il est possible pour les sans-papier de demander une régularisation de leur situation irrégulière grâce à une procédure appelée “Cas de rigueur”. Pour bénéficier de ce protocole, vous devez fournir plusieurs documents justifiant votre situation personnelle “d’extrême gravité”. Ainsi, sous certaines conditions, vous pouvez obtenir une autorisation de séjour exceptionnelle selon la Loi sur les Étrangers et l’Intégration (LEI) et la Loi sur l’Asile (LAsi).
Une fois ces documents réunis, vous avez la possibilité d’envoyer une demande auprès de l’autorité de migration du canton où vous résidez, qui examinera votre demande. Notez par ailleurs que la Confédération doit aussi donner son accord sur votre régularisation. Nous vous conseillons d’attendre un peu plus de 5 ans pour demander un cas de rigueur, car plus vous avez vécu en Suisse et plus vous êtes socialement intégré, et plus votre demande a de chance d’être acceptée.
Notez que ce type de demande dépend du canton dans lequel vous séjournez et que vous devez remplir certaines conditions (habiter en Suisse depuis 5 ans minimum ; être autonome financièrement (depuis 1 an au minimum) ; cocher les critères d’intégration). L’examen de votre demande est réalisé au cas par cas. Une fois votre demande acceptée, vous pourrez bénéficier des aides sociales, des prestations de soins et d’un accès au marché du travail.
Les expulsions des sans-papiers ne sont pas rares en Suisse, qu’il s’agisse d’un départ volontaire ou sous contrainte. Selon votre situation et votre coopération, certaines mesures de détention peuvent être mises en place, ce qui n’est pas sans conséquences sur votre situation d’immigration. Cependant, il existe une démarche appelée “cas de rigueur” qui vous permet de régulariser votre situation afin de séjourner, travailler, et s’intégrer en toute légalité en Suisse.
À lire également
Découvrir tous les articles
S'installer en Suisse
Quels sont les droits des sans-papiers en matière de santé ?
Que vous vous trouviez dans une situation irrégulière ou sans-papiers en Suisse, chaque individu bénéficie de droits humains. Mais qu’en est-il de l’accès aux s

S'installer en Suisse
Comment se faire naturaliser en Suisse ?
Vous résidez en Suisse, vous y travaillez, vous êtes intégré, il est donc normal de vouloir devenir un citoyen suisse à part entière. Pour cela, la naturalisati
Grâce à notre expertise, vous bénéficiez de solutions parfaitement adaptées à votre situation, sans avoir à jongler entre de multiples interlocuteurs.
Newsletter
Recevez les dernières actualités directement par mail