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Succession transfrontalière Suisse–France : votre guide pour sécuriser votre avenir

2 sept. 2025
Actualités
10 min.

Dans un contexte de mobilité transfrontalière grandissante, les enjeux successoraux entre la Suisse et la France deviennent stratégiques. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2015, l’abrogation de la convention successorale de 1953 supprime toute coordination fiscale entre les deux pays. Dès lors, chaque État applique ses règles internes, ce qui accroît le risque de double imposition et complique les démarches pour les héritiers.

Vous êtes héritier ou détenteur d’un patrimoine réparti entre la Suisse et la France ? Ce guide vous propose de :

  • comprendre les principaux mécanismes fiscaux et les enjeux transfrontaliers,

  • identifier les points d’attention essentiels pour vous protéger,

  • découvrir comment une planification successorale proactive peut sécuriser la transmission de votre patrimoine.

Un cadre fiscal désormais éclaté : abrogation de la convention franco-suisse et conséquences

La convention fiscale de 1953 entre la France et la Suisse, destinée à éviter la double imposition en matière de succession, n’est plus applicable depuis le 1er janvier 2015. Elle a été dénoncée par la France en juin 2014, après le rejet par le Parlement suisse du projet de nouvelle convention finalisé en 2012. Depuis cette date, chaque pays applique désormais ses propres règles, sans coordination bilatérale.

L’absence de convention fiscale : quelles conséquences ?

En l’absence de traité, le droit interne de chaque État s’applique indépendamment :

  • En France : les droits de succession peuvent être exigés sur les biens meubles et immobiliers situés aussi bien en France qu’à l’étranger, selon le domicile fiscal du défunt ou de l’héritier (règle dite des « 6 ans sur 10 »).

  • En Suisse : la fiscalité successorale dépend fortement du canton. Certains, comme Genève, exonèrent les héritiers directs, tandis que d’autres imposent certaines transmissions. Dans certains cas, la Suisse pourrait ne rien percevoir, réduisant partiellement le risque de double imposition.

Un risque réel de double imposition… ou plus

L’absence de cadre bilatéral expose les héritiers à une double imposition :

  • Des cas dramatiques sont documentés : héritiers imposés en France, et parfois aussi en Suisse, sur des biens localisés en France ou ailleurs, ce qui peut conduire à une imposition globale supérieure à la valeur du patrimoine hérité.

  • Par exemple, un résident suisse possédant des biens français via une société civile immobilière (SCI) voyait, sous l’ancienne convention, l’imposition souvent limitée à la Suisse. Ce privilège a disparu, ouvrant désormais la possibilité d’une imposition lourde en France.

Des mécanismes limités pour atténuer cette charge

  • Crédit d’impôt en France : la France autorise un crédit d’impôt sur les droits de succession déjà payés à l’étranger (par exemple en Suisse). Toutefois, ce crédit est limité au montant des droits dus en France, et ne permet donc pas toujours une élimination complète de la double imposition.

  • Tentatives de reprise des négociations : en juin 2025, une sénatrice française a interrogé le gouvernement sur la possibilité de redémarrer des négociations, rappelant que ce vide juridique crée une incertitude dommageable pour les héritiers. Toutefois, la France reste peu encline à conclure de nouvelles conventions successorales, comme en témoigne la position ministérielle.

La fin de la convention fiscale bilatérale en 2015 a rompu toute coordination en matière de successions entre la France et la Suisse. Résultat : les héritiers sont désormais soumis à des règles divergentes et risquent une double imposition lourde, à laquelle les dispositifs de compensation actuels ne suffisent pas toujours. Cela rend la planification successorale proactive d’autant plus cruciale.

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Comprendre la fiscalité dans chaque pays

En France : un système centralisé, progressif et encadré

En France, l'impôt sur les successions est régi par un barème national s'appliquant à la part nette reçue par chaque héritier, après application d’un abattement spécifique. Les exonérations sont particulièrement favorables aux proches, mais les taux peuvent devenir très élevés pour les héritiers éloignés.

À retenir :

  • Abattements selon le lien de parenté :

    • Ligne directe (enfants, parents) : 100 000 € par héritier.

    • Frères et sœurs : 15 932 €.

    • Neveux/nièces : 7 967 €.

    • Autres personnes : 1 594 €.

  • Barème progressif pour les héritiers en ligne directe : de 5 % pour les faibles montants jusqu’à 45 % au-delà de 1 805 677 €.

  • Exonération totale pour le conjoint survivant ou le partenaire de PACS.

  • Donation préalable impacte l’abattement disponible à la succession si effectuée dans les 15 ans précédant le décès.

Contexte : l’impôt sur les successions représente une part significative (jusqu’à 13 % des prélèvements en 2023), alimentant des débats récurrents sur la nécessité de réformes. Des réformes ciblées (ex. abattements pour les neveux, allègement pour les entreprises via pacte Dutreil) sont discutées en France, sans consensus national.

En Suisse : une fiscalité cantonale très variable

Contrairement à la France, la Suisse ne dispose d’aucun impôt fédéral sur les successions. Ce sont les cantons — et parfois les communes — qui imposent, ou non, les héritages, avec des divergences marquées selon le lieu et le lien familial.

Points essentiels :

  • Absence d’impôt au niveau fédéral, tout se joue au niveau cantonal (et parfois communal).

  • Exonération quasi systématique pour le conjoint survivant et les descendants dans la majorité des cantons.

  • Cantons sans prélèvements : Schwyz et Obwald n’imposent ni les successions ni les donations ; Lucerne dispense des donations mais impose si le donateur décède dans les 5 ans.

  • Variabilité selon le degré de parenté et le montant : par exemple, une succession de CHF 500'000 à une personne non apparentée entraîne environ CHF 71'000 d’impôts à Zoug, contre jusqu’à 270 000 CHF à Genève.

  • Exemples chiffrés : à Genève, certaines dispositions légales permettent une exonération complète pour les héritiers directs si le défunt ne bénéficiait pas déjà d’une exemption fiscale récemment.

Comparatif synthétique

Pays Fiscalité successorale Avantages pour héritiers directs

France

Barème national progressif (5 % → 45 %), abattements selon lien familial

Forts abattements pour proches, taux élevés pour collatéraux

Suisse

Fiscalité cantonale très variable, certaines communes aussi

Exonérations généreuses pour proches ; disparités selon le canton

En résumé

  • En France, le régime est homogène et progressif, avec une forte protection pour les héritiers proches, mais des taux élevés pour les autres.

  • En Suisse, l’absence de barème fédéral exige une analyse cas par cas : certains cantons offrent des conditions particulièrement favorables, tandis que d'autres peuvent être très lourds.

Cette dualité met en lumière l’importance d’une planification successorale sur-mesure, adaptée non seulement à la situation familiale, mais aussi à la localisation exacte des biens et du domicile fiscal.

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Comment préparer une succession franco-suisse ? Des actions concrètes à anticiper

Préparer une succession transfrontalière exige une approche informée, structurée et adaptée à votre situation personnelle. Cette démarche vise à sécuriser la transmission, réduire les frictions fiscales, et optimiser la protection des héritiers.

1. Réaliser un inventaire patrimonial croisé (France & Suisse)

Rassembler avec rigueur toutes les informations patrimoniales : biens immobiliers, comptes bancaires, investissements, assurances, contrats, etc., tout en précisant leur localisation exacte.

À faire :

  • Établir un bilan patrimonial clair et partagé avec vos proches.

  • Localiser précisément chaque actif (France / Suisse / autre).

Le notariat français recommande ainsi « de faire un inventaire détaillé de vos biens et actifs », y compris vos propriétés, comptes bancaires ou investissements, pour faciliter le règlement après décès.

2. Rédiger un testament avec clause de choix de loi

Le règlement européen n° 650/2012 permet à toute personne de choisir la loi applicable à sa succession, ce qui est un puissant levier en contexte franco‑suisse pour éviter les incertitudes juridiques.

À prévoir :

  • Préciser si la succession sera régie par le droit français ou suisse.

  • Adapter le testament à chaque législation en consultant un notaire ou avocat transfrontalier.

  • Associer au testament toute disposition spécifique liée à la localisation des biens.

3. Utiliser les donations pour alléger la charge fiscale

En France, les donations permettent de réduire la base taxable. En Suisse, certains cantons exonèrent les héritiers directs. Toutefois, les donations transfrontalières restent fragiles d’un point de vue fiscal.

Cas concret :

  • Un résident suisse donne des liquidités à ses enfants domiciliés en France pour qu’ils achètent un bien dans l’Hexagone. Cela peut éviter une double imposition excessive, à condition d’anticiper les règles fiscales dans les deux pays.

4. Conclure un pacte successoral en droit suisse (Pacte de succession future)

Le pacte successoral permet de sécuriser la transmission selon votre volonté, avec ou sans engagement des héritiers à l'avance.

Exemples d’usage :

  • Des époux mariés en secondes noces mettent en place un pacte d’attribution réciproque pour protéger les enfants de chaque union.

  • Un parent verse un capital à son enfant contre renonciation partielle à sa future succession.

5. Éviter la double imposition par des stratégies ciblées

Quelques situations illustratives tirées de la pratique permettent de mieux cerner l’enjeu fiscal complexe :

Scénarios rencontrés :

  • Une personne domiciliée en Suisse laisse un bien immobilier en France : ce bien sera imposable en France, même si l’héritier est résident suisse, sans exonération quelle que soit la structure de détention (SCI, etc.).

  • Une héritière résidente en France, qui a vécu plus de six ans sur les dix dernières dans l’Hexagone, peut être imposée en France sur l’ensemble de la succession, y compris les avoirs suisses. Elle pourra toutefois demander un crédit d’impôt équitable.

  • Un neveu hérite d’un compte bancaire français et d’un bien immobilier en France de la part d’un défunt domicilié à Genève. Il devra régler un impôt en France – sans possibilité de récupération – tandis que la Suisse n’imposera pas la partie immobilière mais le compte pourra être taxé à Genève.

6. Se faire accompagner par des professionnels spécialisés

Face aux complexités civiles et fiscales, l’appui d’experts est indispensable :

Pourquoi consulter ?

  • Pour structurer un plan clair mixant les lois française et suisse.

  • Pour anticiper les désaccords familiaux, incompatibilités testamentaires ou litiges.

  • Pour optimiser au mieux les donations, testaments et pactes envisagés.

Préparer une succession franco-suisse nécessite une démarche proactive et multiple :

  • Faire un inventaire patrimonial précis

  • Choisir activement la loi applicable via testament

  • Optimiser via donations ciblées

  • Envisager des pactes successoraux en Suisse

  • Connaître les implications fiscales selon chaque cas

  • Être accompagné par des spécialistes pour sécuriser l’ensemble du processus

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Cas pratiques détaillés : situations transfrontalières illustratives

Fille résidente française, père domicilié en Suisse

Une personne domiciliée en Suisse décède, laissant une fille qui réside en France depuis plus de six des dix dernières années. Elle hérite de biens situés en France et en Suisse. Résultat : la succession est imposable en France sur l’ensemble des biens, y compris ceux situés hors de l’Hexagone. Elle peut toutefois demander un crédit d’impôt en France pour compenser l’impôt payé en Suisse sur les actifs suisses.

Imposition croissante pour un cousin

Un héritier en France recueille une somme de 100 000 € provenant d’un cousin domicilié à Genève. La fiscalité genevoise impose les cousins à 55 %. L’héritier souffre donc d’une double imposition lourde et inéquitable, sans mécanisme pour déduire l’impôt suisse de l’impôt français.

Immobilier en Suisse et en France : deux profils

Lorsqu’un défunt possède :

  • un chalet en Suisse (CHF 500'000),

  • un appartement en France (50 000 €),

  • et des avoirs bancaires répartis entre les deux pays,

Deux situations types se présentent :

  • Succession d’un résident suisse : les biens suisses sont traités selon le droit cantonal (souvent exonération en ligne directe), l’appartement et comptes en France sont imposés selon les règles françaises.

  • Succession d’un résident français : tous les biens, y compris ceux en Suisse, peuvent être imposables en France selon les critères de résidence fiscale et de localisation des biens.

Passif successorale "piégé" géographiquement

Un cas particulièrement délicat est celui d’un défunt domicilié en Suisse, dont l’unique actif est un immeuble en France, mais avec un créancier à Genève. Si les héritiers refusent la succession en Suisse, le créancier peut exercer des droits en France, et la répartition du passif obéit à la loi française. Les conclusions peuvent être lourdes : primauté du passif sur l’actif, coûts élevés, conflits juridiques transfrontaliers.

En résumé

Ces cas pratiques montrent à quel point les successions franco-suisses peuvent devenir complexes, source de :

  • Double imposition non compensable

  • Droits différents selon la localisation des biens

  • Situations de passif délicat à gérer dans plusieurs juridictions

Ils soulignent également l'urgence d'une planification successorale stratégique, fondée sur la connaissance des règles civiles et fiscales des deux pays, ainsi que sur des solutions concrètes (donations, testaments, pactes, domiciliation, etc.). Adavia vous accompagne pour anticiper et organiser votre transmission patrimoniale en toute sérénité.

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